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Une fois, je suis parti d’un
hôtel sans avoir fini les petits flacons de gel et de shampoing qu’on trouve dans les hôtels (sans avoir
littéralement pressé jusqu’à la dernière goutte chaque petit flacon ou autre
qu’on met à ta disposition dans les hôtels pour que tu les presses vu que tu
les payes) et j’en ai pleuré des semaines durant.
La tristesse montait non sans
raison. Elle montait car JE N’ETAIS PAS VENU A BOUT de tout ce que j’avais
croisé sur ma route.
Que ce soit le corps d’un amant, un livre, une promenade en forêt, de nuit et sans l’aide des étoiles, ou ces putains de petits flacons.
Il faut épuiser ce que l’on
perçoit et s’épuiser soi-même à la tâche, sans avoir peur de crever d’une crise
cardiaque en mettant la main à la pâte : mourir les mains sales, et plus
la matière et les jus sont méconnaissables mieux c’est, car c’est dégueulasse
et c’est excitant.
Voir enfin quelque chose pousser
de terre. Avoir le temps de suivre attentivement et avec plaisir le cours de
chaque chose.
C’est ce que j’ai dit à mes amis au
téléphone, et eux, ils m’ont répondu, au téléphone : Oui d’accord,
mais ça va abréger ta vie. En revanche, regarde-nous : on vit et ça ne
nous coûte pas la vie.
Je leur ai raccroché au nez,
parce qu’ils parlaient de longues années à l’abri, à l’ombre de géniteurs,
d’une descendance bien aimée et d’une économie défendue entre tous comme une
forteresse.
Et moi, je parlais de secondes
fugaces et de la valeur que j’accorde à une larme, quand on sait qu’une larme
n’a de valeur que pour celui qui la verse et cette valeur est toute relative,
car j’ai vécu parmi des enfoirés qui oublient leurs peines en moins de temps
qu’il ne faut à une larme pour sécher.
Eux, ils parlaient de leur avenir
économique en pensant toujours à leurs enfants. Moi, je parle d’accompagner un
instant vers sa plénitude. Etre là quand les choses éclatent.
Et je me suis imaginé en train de courir tout près de l’instant,
la langue pendante, durant un minuscule fragment de temps au moins, courir en
même temps que l’instant.
Et ça me suffisait car je savais
qu’ENTRER DANS L’INSTANT n’était pas
chose probable pour une nature comme la mienne. Malgré tout, je courais en même
temps que l’instant, quelques petites secondes, et je m’en contentais.
Et quand je dis « vous ne me
verrez pas RENONCER », ce n’est pas que je craigne l’humiliation d’UN
échec , c’est que la somme de tous les renoncements finit avec le temps
par devenir ton tourment.
On peut vivre en admettant qu’à
deux ou trois reprises on n’est pas allé JUSQU’AU BOUT, mais commencer un jour
nouveau, comme on dit, prendre son petit déjeuner face à une montagne de
claudications passées et par-dessus le marché penser à celles qui nous
attendent, aux abandons et au résignations qui sont ton lot quotidien, ça fout
les boules.
Les renoncements s’asseyent
chaque matin à la même table que toi et prennent leur petit déjeuner avec toi,
te piquent une partie de TON pain pour y étaler TON beurre et toi, tu n’as pas
assez d’autorité pour refuser TA table à cet invité.
Et je dis que ne pas aller au
bout des choses revient à se laisser mourir peu à peu.
Et s’il faut mourir fulminé dans et par cet effort comique qui consiste à aller au bout de tout ce qu’on croise sur son chemin, alors je l’accepte sans la moindre honte car
il faut bien mourir de quelque
chose.
il faut
bien mourir de quelque chose.
il faut
bien mourir de quelque chose.
Rodrigo Garcia